Georges Hérelle et ses "informateurs"

 

Jean Héguiaphal

Georges Hérelle ne parlait pas basque, mais il sut s’entourer des meilleures compétences pour comprendre « de l’intérieur » ce monde de la pastorale qu’il déchiffrait. En commençant par le premier d’entre eux, Jean Héguiaphal, de Chéraute, fils et petit-fils, père et grand-père d’errejent, « instituteur de pastorale » de son état. Instituteur au sens de celui qui instruit, et qui instruit de deux manières : d’une part, en enseignant les pastorales aux villageois impliqués dans la performance ; d’autre part en menant l’enquête, chaque thème de pastorale constituant un cas à instruire.

J. Héguiphal est pour G. Hérelle un informateur de tout premier ordre, c’est sa caution culturelle. Lorsqu’on parcourt les manuscrits de Georges Hérelle, il n’est pas rare en effet de lire, sous la plume du philosophe, des commentaires sur les analyses que lui propose Héguiaphal, comme cet « important pour l’histoire des pastorales »[1] consigné à l’encre rouge sur une lettre de 8 juin 1901.

 

Léopold Irigaray

Demeure la distance à la langue et, cette fois, c’est grâce à Léopold Irigaray que Georges Hérelle a accès à cet univers de savoir si singulier qui est celui des errejent, et qu’il a accès aussi aux textes des pastorales. L. Irigaray, jeune souletin averti, né à Pau en 1875, vivant à Licq-Atherey et qui décèdera à Garindein en 1951, sera son guide dans cette langue inaccessible. C’est bien grâce à lui que G. Hérelle aura pu conduire sur les pastorales les analyses de contenu que nous lui connaissons. La boucle se referme alors sur un curieux effet de miroir. Ce traducteur qu’Hérelle aura lui-même été pour d’Annunzio ou Ibañez, c’est Irigaray qui le serait pour lui, lui ouvrant, grâce à sa compétence et à ses connaissances, et grâce à une amitié de près de vingt ans, ce monde basque de la pastorale.

Dans cet espace de la traduction, se forme un de ces couples familiers des enquêtes ethnographiques, couple « constitué par l’ethnographe et son informateur (ou médiateur ou énonciateur de sa culture…) rappelant tant d’autres situations similaires dans l’histoire de l’ethnologie »[2]. C’est par cette alliance scellée entre des univers de culture distincts et des compétences partagées que G. Hérelle aura pu écrire au total près de 700 pages qui culminent avec l’opus magnum de 1925[3] et qui font de lui le premier historien du théâtre basque.

 Denis Laborde

Correspondance de Léopold Irigaray avec Georges Hérelle

La Médiathèque de Bayonne et le Musée Basque et de l'histoire de Bayonne conservent les nombreux courriers envoyés par Irigaray à Hérelle, classés par année :

1899           1900           1901           1902           1903           1904           1905
1906   1907   1908   1909   1910   1911   1912
1913   1914   1915a   1915b   1916   1917   1918
1919   1920   1921   1922   1923   1928   Sans date

 

1. Fonds Hérelle, Lettre de Léopold Irigaray datée du 8 juin 1901

2. Daniel Fabre, Inversion et dislocation : les vies savantes de Georges Hérelle, Paris, Ed. du CTHS, à paraître

3. Georges Hérelle, "Etudes sur le théâtre basque", Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts et d’Etudes régionales de Bayonne & Paris, Honoré Champion.