Texte écrit par Beñat Oyharçabal, 2013

Sainte Elisabeth de Portugal, 1750

Les plus anciens manuscrits de pastorales souletines connus sont du XVIIIème siècle [1], la plus ancienne référence d'une pastorale souletine traditionnelle, celle de sainte Elisabeth de Portugal (Bibliothèque du Musée Basque), datant du milieu du siècle. Elle fut représentée à Esquiule le 3 janvier 1750, son régent copiste se présentant sous le nom de Jauliber. C'est ce qu'indique la mention qui apparaît en fin de manuscrit :

Manuscrit Sainte Elisabeth de Portugal. MBHB, Ms.14
Manuscrit Sainte Elisabeth de Portugal. MBHB, Ms.14

Fait à Ezkioula le trois janvier 1750
Ceux et celle qui touveron le presant
Seront prié deremettre a moy à jauliber
De la ditte commune il leur sera recompence
[ ] leur [peine?]

Le cahier qui porte cette mention a été écrit par deux mains différentes. Si le fragment où elle apparaît remonte à cette année ainsi que la représentation mentionnée, il n'en est pas obligatoirement de même pour le reste du manuscrit, écrit par une autre main, car, comme indiqué précédemment, il arrivait que les pastoraliers réaménagent les copies selon leurs besoins et associent pour cela des fragments appartenant au départ à des cahiers différents, écrits à des dates différentes. Seule la datation du papier, dans la mesure où elle peut être établie, est en mesure dans de tels cas de fournir des indications véritablement fiables.

Le manuscrit de Buchon, 1500 ?

Dans le passé, d'autres manuscrits ont été mentionnés comme étant plus anciens. On a évoqué le témoignage de J-A Buchon concernant un manuscrit de l'an 1500, acheté vers 1840 à Tardets, et qui a été perdu, sans que nul autre ait pu examiner de plus près une datation aussi peu vraisemblable, et qui reste par conséquent sans valeur.

Jeanne d'Arc, 1723 ou 1793 ?

Le manuscrit de Jeanne d'Arc (Bibliothèque du Musée basque) a longtemps été considéré comme étant le plus ancien, car G. Hérelle y avait lu la date de 1723 dans le filigrane du papier. Un examen rigoureux effectué par une spécialiste il y a quelques années a montré que la date en filigrane n'était pas 1723 mais 1793.

Saint Jacques, 1634 ou 1834 ?

Un manuscrit de saint Jacques a également donné lieu à discussions. Ce manuscrit (Bibliothèque nationale de France) date du XIXème siècle et son copiste est connu, puisqu'il s'agit de JP Saffores (celui à qui Buchon acheta le manuscrit de Clovis, et dont on a rapporté le mot à propos de lui-même plus haut). A première vue, la date de représentation figurant dans ce manuscrit semble pouvoir être lu 1634. C'est la raison pour laquelle, Hérelle avait pensé qu'en ce cas Saffores n'avait pas indiqué la date de la représentation où il devait être régent, mais celle figurant sur un autre manuscrit dont il s'était inspiré ou qu'il avait copié pour établir sa copie. Ce n'est pas là l'usage dans la tradition des pastorales et on ne connait pas d'autre exemple de ceci qui soit attesté. Mais en indiquant le lieu et la date de représentation les chiffres de l'année sont dessinés de telle manière que l'année 1834, semble être écrite 1634, comme on le voit dans la reproduction jointe. Il a donc été suggéré que cette datation avait été copiée par Saffores d'un manuscrit source plus vieux de deux siècles et portant cette date, bien que la copie des dates de représentations antérieures ne fasse pas partie des usages dans la tradition. Quoi qu'il en soit, lorsque l'on examine attentivement le manuscrit, la lecture de Hérelle n'apparaît pas aussi sûre.

1634 ou 1834 ?
Manuscrit Saint-Jacques. Bibliothèque nationale de France
Un autre 8 du même manuscrit
Un autre 8 du même manuscrit

On peut en effet faire une autre lecture, où le deuxième chiffre de l'année ne se lit pas 6, mais 8, ce qui correspondrait à l'époque où Saffores exerçait. Que le lecteur se fasse lui-même son opinion, après avoir observé ci-dessous la reproduction de la date contestée et en avoir comparé le deuxième chiffre avec le 8 à côté reproduisant un 8 du même manuscrit.

Une observation attentive du deuxième chiffre, montre que la boucle du bas du second chiffre vu comme un 8 se réduit en un point indiquant un croisement dans le dessin. Dans cette lecture, bien que les résultats des tracés soient sensiblement différents, le mouvement suivi pour tracer ce chiffre est identique à celui du dessin du 8 mis en comparaison.

Conclusion

C'est la raison pour laquelle, la pastorale jouée à Esquiule en 1750 peut être considérée en l'état actuel des connaissances et de la documentation comme l'attestation la plus ancienne d'une représentation relevant de cette tradition dramatique en Pays Basque.

Auteur : Beñat Oyharçabal

Poursuivre la navigation :

<< Article précédent

Préservation des cahiers

Article suivant >>

Georges hérelle, l'ethnographe