Ce qu'est la pastorale souletine
La pastorale basque est le théâtre traditionnel du Pays de Soule. Celui-ci est la plus petite des sept provinces basques, située au nord-est de cet ensemble. La Soule correspond en gros à la vallée du gave Saison, Ühaitza, avec principalement les cantons de Tardets et de Mauléon.
La pastorale est essentiellement souletine, quoiqu’elle déborde parfois sur le proche Béarn (vallée du Barétous ou canton d’Aramits) et sur la proche Basse-Navarre (cantons de Larceveau et de Saint Palais). Elle s’appelle aussi « trajeria », mot qui évoque évidemment la tragédie ; mais il ne s’agit pas d’une tragédie totale à la grecque ou à la française, mais plutôt d’une tragie-comédie, comme le Cid de Corneille, avec une fin heureuse ou en tout cas positive, et en prime des épisodes bouffons qui détendent le public. Au total, la pastorale appartient essentiellement au genre épique : son caractère fondamental est de conter une épopée. Celle-ci se confond avec la vie d’un héros ou d’une héroïne : prophète, saint(e), souverain(e), leader politico-militaire, ou autre personnage historique.
C’est un théâtre de plein air, qui se joue parfois contre un fronton de pelote basque, le plus souvent dans un pré. La scène est un plancher monté sur des tréteaux. Au fond s’élève la loge de l’orchestre, entourée de draps blancs. La paroi d’étoffe sous-jacente comporte trois sorties pour les acteurs : sur la droite du public, côté cour, une porte rouge qui symbolise le feu de l’enfer ; sur la gauche, côté jardin, une porte bleue qui figure le bleu du ciel ; au centre l’on écarte deux pans de draps dont la blancheur de neige évoque la pureté, qui ne se borne évidemment pas au rejet de péchés sexuels réels ou supposés, mais concerne plus largement la sincérité, la droiture, la loyauté, la fidélité, l’honneur.
Pastorale José Mendiague, 2012, Roquiague |
Trois forces différentes sortent de ce mur d’étoffe : par la porte bleue les « chrétiens », les bons ; par la porte rouge les « turcs » et les danseurs « satans » (ou saltants ?), les méchants, qui sont aussi les plus beaux, par leurs costumes notamment, si bien que chacun rêve d’en faire partie ; par le centre sortent les forces célestes : anges, hommes d’église quand ils ne sont pas dans la lutte, autres personnages particulièrement positifs, parfois bergers avec leur troupeau… Dieu n’apparaît jamais ; par contre l’homme Jésus de Nazareth peut se montrer, quoique le fait reste très exceptionnel.
Les appellations génériques de « turcs » et de « chrétiens » évoquent évidemment les temps où la puissance ottomane menaçait fortement l’Europe chrétienne. Aujourd’hui l’on tend à leur substituer la couleur dominante qui distingue chaque camp : les « rouges » et les « bleus », sans autre qualificatif pouvant inspirer de nouvelles controverses.
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C’est un théâtre amateur, joué par des bénévoles. Il rassemble chaque année la population d’un village ou d’un petit groupe de villages, à tour de rôle. La plupart des familles se mobilisent. Quelques dizaines de leurs membres répètent et s’entrainent chaque fin de semaine pendant sept à huit mois, autour d’un metteur en scène ou deux. Ce sont des gens ordinaires, tout un petit peuple qui oeuvre pour son plaisir et pour l’honneur de la communauté : les un(e)s sur les planches, les autres à leur service et à celui du public : à la couture, à la buvette, au parking, etc… Autant qu’une pièce de théâtre, c’est une grande fête villageoise, qui commence le dimanche matin par la messe chantée, qui se célèbre deux fois en Soule, mais qui est parfois invitée ailleurs quand le héros de la pièce n’est pas souletin : par exemple à Bayonne pour le Bayonnais René Cassin…
J.L. Davant